mercredi 23 octobre 2013
Chacun connaît les faits, l’histoire, les positions, les commentaires.
Ils m’inspirent cinq réflexions :
- Je découvre tout d’abord qu’on peut être en France depuis quatre ans et demi en position de demandeur d’asile, faire quatre demandes aux instances administratives et de justice, ( Commission du droit d’asile, et appel, Tribunal administratif et appel) toutes soutenues par des associations d’aide, toutes rejetées, faire une nouvelle demande en préfecture directement en se rendant auprès des services, vivre durant cette période de l’aide prévue pour les réfugiés politiques, ne pas avoir de papiers, ne pas être capable d’en faire venir des doubles, mentir délibérément, faire mentir sa famille, faire l’objet de plaintes pour violences familiales, commettre quelques larcins, se comporter en voisin, citoyen désagréable, ne pas chercher de travail, attendre de toucher les allocs dès le statut de réfugié obtenu, et ne pas être ensuite rapidement reconduit depuis son domicile dans son pays d’origine, …
le tout avec le soutien de RESF, et sans doute de France Terre d’Asile, de la CIMADE, etc.
Je ne le savais pas et je trouve cela choquant : pour moi, les procédures devraient être limitées à un an, exécutées rapidement et humainement en cas de reconduite, les mensonges durement sanctionnés, l’argent indument versé réclamé aux intéressés.
De ce point de vue, ces associations révèlent de facto ce qu’elles cèlent de jure : aucun sans papier ne mérite la reconduction, l’expulsion, elles sont pour une régularisation de tous ceux qui se trouvent sur le sol français, quel que soit le moyen d’arrivée, le comportement.
- La médiatisation forcenée de cet «incident », l’actualité de la semaine quasi mise entre parenthèses pour une affaire aussi « mineure », sans jeu de mots, pose problème. Chacun connaît cet effet « de loupe », mais il est là particulièrement impressionnant. Des reconduites, il y en a tous les jours des dizaines, et je pense que les assos de défense des sans-papiers, en jouant sur l’effet « sortie scolaire en bus » ont voulu jouer sur l’empathie pour sensibiliser. Je ne suis pas certain qu’elles aient ainsi fait le bon choix. Mais il est vrai que voir plusieurs médias audiovisuels dans l’appartement de cette famille, au Kosovo, celle jeune fille de 15 ans hier inconnue, aujourd’hui hypersollicitée, sa parole publié, étudiée, vous avait un petit air de téléréalité !
d’ailleurs, j’ai vu qu’elle se plaignait le mardi que la presse française ne la rencontre plus.
- La position du Président est étonnante. Tout d’abord il semble s’adresser directement à la mineure, comme si elle pouvait décider pour elle-même, alors qu’elle est sous la responsabilité de ses parents. Il y a aussi pris le risque d’un dialogue « d’égal à égal » avec Leonarda, sa famille, ce qui n’a pas manqué de se produire via l’entremise des médias. Ensuite l’idée de proposer à Leonarda de « se séparer » de ses parents paraît anormale : toutes les conventions internationales insistent sur l’unité familiale, le regroupement parents-enfants, sauf à ce qu’un juge des affaires familiales intervienne.
Il eût été possible, et à mon sens plus logique, de proposer à cette famille un contact du consulat afin de voir comment envoyer les enfants scolarisés poursuivre leurs études dans la région via un pensionnat, des familles d’accueil.
Je pense que leur intégration et leur niveau scolaire auraient bénéficié d’un tel éloignement (in) volontaire.
La question des modalités d’accueil des enfants scolarisés doit être posée à cette occasion pour éviter que les enfants ne deviennent et un moyen commode d’immigrer et de recevoir des moyens de subsistance. Et, plus généralement, les enfants sont parfois, (souvent ?) un moyen pour les parents de contourner les règles de séjour, avec la bienveillance du monde associatif, des voisins, grâce à l’empathie qu’ils génèrent. La vie familiale peut aussi comporter des périodes d’éloignement, peut-être notre droit des étrangers devrait il en tenir compte.
- Sur ce dossier, les partis de gauche se divisent fortement : PS, et même écologistes. Seule l’extrême gauche (PC, FDG, NPA,…) semble plus cohérente. On se croirait presque revenu aux débats du TCE en 2005, pour un sujet pourtant au départ mineur, qui en fait, amène avec lui des questions sensibles et souvent un peu occultées autour de la problématique de l’immigration.
- Enfin, au-delà de ce cas, et plutôt en relation avec les drames de Lampedusa, je trouve qu’on s’intéresse peu à l’ « amont » de l’immigration clandestine : pays d’émigration, passeurs, réseaux, décisions et conditions du départ, circuits financiers, modalités de traversée du Sahara, de la Méditerranée pour certains …
pas de livre, de film sur ces points, pourtant cruciaux pour la conduite des politiques.
Normal, d’ailleurs, la CIMADE nous dit que ce n’est pas le problème !
CF. ici : http://www.lacimade.org/nouvelles/4638-Lampedusa—l-Europe-assassine
Non, le drame de Lampedusa n’est pas le fruit de la fatalité. Il n’est dû ni aux passeurs voraces, ni aux pêcheurs indifférents.
Les morts de Lampedusa, comme ceux d’hier et de demain, sont les victimes d’une Europe enfermée jusqu’à l’aveuglement dans une logique sécuritaire, qui a renoncé aux valeurs qu’elle prétend défendre. Une Europe assassine.